Deux expositions personnelles auront été consacrées à Shirley Jaffe (1923-2016) au musée Matisse de Nice. Quand elle y exposa la première fois, en 1994, à l'invitation de Xavier Girard, selon son habitude, l'artiste prit soin d'y montrer des tableaux récents. L'idée de rétrospective ne la préoccupait guère. Jaffe n'était pas du genre à se soucier de sa carrière et moins encore de se retourner vers elle. Les tableaux qu'elle était en train de peindre mobilisaient toute son énergie. Ceux qu'elle venait de peindre retenait encore son attention - faisait-elle fausse route ? devait-elle dévier de celle qu'elle venait de tracer ? - jusqu'au détachement qui la rendait à la seule « religion » du présent.Son attitude n'engageait qu'elle, mais elle privait le public qui découvrait son travail de la légitime volonté de comprendre comment elle en était arrivée là. Seuls ses plus vieux compagnons savaient.Les autres n'avaient qu'à prendre le train en marche.Non, une rétrospective était inenvisageable du vivant de l'artiste. Et moins encore ce qu'un tel projet implique de recherches biographiques tant Jaffe répugnait à parler d'elle-même : par pudeur autant que par mépris de la complaisance qu'ont tant d'autres à se raconter.
L'exposition niçoise actuelle vient après la rétrospective du Centre Pompidou, augmentée par celle du Kunstmuseum de Bâle. Elle reprend le filage chronologique depuis les débuts jusqu'à la fin, touten le contractant. Elle considère Jaffe avant et après Matisse. Car la comparaison s'est toujours imposée entre les derniers travaux du maître français et les tableaux de maturité de l'Américaine.
Jaffe, elle, n'en parlait pas volontiers. Pourtant l'on sait maintenant quel impact eut sur ellel'exposition des papiers découpés de Matisse présentée par François Mathey au musée des Artsdécoratifs en 1961 à Paris. Ce n'est donc par hasard que Jaffe vient et revient à Nice. Et s'il n'étaitpas bien facile de dialoguer avec elle, l'exposition compte bien qu'un dialogue s'instaure enfin entreles deux artistes et l'on est curieux de savoir ce qu'ils vont se dire de bas en haut : de l'accueil jusqu'aux abords de la dernière salle de la collection permanente où les œuvres en gouaches découpées se déploient. C'est Matisse aujourd'hui qui invite.
L'exposition est organisée en partenariat avec le Centre Pompidou, Paris, et le Kunstmuseum Basel, à Bâle.
L'exposition a été présentée du 20 avril au 29 août 2022 au Centre Pompidou (sousle titre Shirley Jaffe. Une Américaine à Paris) et du 25 mars au 30 juillet 2023 au Kunstmuseum Basel (sous le titre Shirley Jaffe. Forme et expérience).
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